mercredi 28 juillet 2021

Pourquoi Compostelle ?

Cette année, j'ai mis à profit mes vacances pour parcourir des petits tronçons de Compostelle, par-ci par-là, par tranche d'un ou deux jours à la fois. Pourquoi ? Très bonne question ! Peut-être est-ce à force de voir briller les yeux des pèlerins et d'entendre leurs récits... Peut-être est-ce à force de passer tous les jours à côté du petit coquillage, Place St-François, qui me nargue en me disant : "Compostelle, c'est par là"... 

La Folie des grandeurs

Ou peut-être ai-je simplement la grosse tête, des ambitions hors-normes, la folie des grandeurs ! Oui, mais alors une "folie des grandeurs" au sens métaphysique: l'aspiration hors-normes d'une rencontre avec Dieu. Lorsque je me lance dans le Clavier Bien Tempéré de Bach, au piano, j'observe une même démarche intérieure. Au fur et à mesure que défilent les préludes et fugues, mes propres pensées prennent de moins en moins de place, elles se font plus fines, elles s'estompent. À l'intérieur de moi, se libère comme un espace, un lieu qui est fait de souffle, une réalité qui me dépasse. Dieu, es-tu là ?

Le même phénomène se produit lorsque je suis sur le chemin. Pas après pas, sans autre but que le chemin lui-même, je commence à marcher avec les pensées en ébullition. Puis, lentement, au rythme de ma progression, elles se calment et se taisent. Je suis alors beaucoup plus disponible à l'espace à l'intérieur de moi-même, mais aussi à tout l'espace de l'extérieur.

Juste l'essentiel

Dans le sac, trois fois rien, presque rien : juste l'essentiel. Pour mes petites étapes, je ne prends que de quoi me nourrir et des vêtements adaptés pour la météo. Pas de roman pour le plaisir, pas de journal ou de sudoku pour si jamais je viendrais à m'ennuyer, pas de cahier pour écrire. Non, rien. Cela me semble presque vide. Mais justement, ce vide laisse la place pour les imprévus.

Rencontres

Le long du chemin, d'autres pèlerins comme moi marchent avec juste l'essentiel et un bâton dans la main. Comment se reconnaît-on entre nous ? Des fois, je ne porte même pas la coquille St-Jacques sur moi et eux non-plus. Seul point commun : nous allons dans la même direction, sur la même route. Et puis, quand on part de chez soi avec "presque rien", on se sent soudain léger et la fameuse crainte de "déranger l'autre" disparaît. Plus aucune introversion/timidité ne me retient d'aller à la rencontre de l'autre, de découvrir son histoire, de parler anglais, français, franglais. Même pour parler l'allemand, je n'ai plus d'hésitation (même s'il me reste à peine trois mots). Je découvre des personnes incroyables, souvent portées par une très belle sérénité. Nous sommes tous des êtres humains, nous marchons tous sur un même pied d'égalité.

Le Champ de l'étoile

L'étymologie populaire de Compostelle est "le champ de l'étoile" (campus stella), puisque c'est par une étoile que St-Jacques indiqua l'emplacement de sa tombe. Mais des étoiles, il n'y en a pas seulement une dans le champ, il y en a aussi plein dans mes yeux à chaque fois que je rentre. Les étoiles : ce sont les sourires des personnes croisées, la rencontre avec une apicultrice et ses abeilles, en pleine forêt, le soleil d'été qui caresse le Léman, la constatation que je peux y arriver quand même (même lorsque je crois avoir tout donner). Et à peine une étape est-elle conclue, j'ai envie de retourner sur Compostelle, j'ai envie de recommencer à marcher.

 

Entrer dans le silence

Autant que possible, j'essaie de me ménager des temps de retraite dans des monastères ou des jours de marche sur le chemin de Compostell...