vendredi 27 novembre 2020

Une boîte à outils

 


     "J'aimerais bien prier, mais mes mots sont trop petits, trop ridicules. Mes phrases sont trop maladroites." Il m'est souvent arrivée d'avoir une telle pensée devant Dieu, d'avoir de la difficulté à prier et, au final, d'abandonner. Une solution de facilité qui ne me satisfaisait guère, qui me laissait de l'amertume entre les lèvres, un sentiment d'inaccompli. La question revenait sans cesse: comment prier quand mes mots sont trop petits ? Au fil de mon parcours spirituel, je me suis alors constituée une boîte à outils:

    La prière du coeur: il s'agit simplement de prononcer le nom de Jésus en hébreu, Yeshua, qui veut dire "Dieu sauve". Incroyable mais vrai: le seul prénom du Christ constitue déjà une prière. La formule bien connue Kyrie Eleison, "Seigneur, prends pitié" signifie la même chose. Yeshua, Kyrie Eleison: ce sont là des mots porteurs de souffle. L'optique de la prière du coeur serait de les laisser descendre en soi-même et de les caler au rythme de sa propre respiration.

    Lorsque je ne trouve pas mes mots pour prier, peut-être que je n'ai effectivement rien à dire, ou du moins rien d'important. Il me suffit alors de garder le silence et de me tenir simplement dans la présence de Dieu. Même si je ne lui dis rien, cette attitude est déjà une prière. Dans son livre Prier dans le silence du coeur, Frère Roger, fondateur de la communauté de Taizé, écrivait: "Dieu de toute éternité, même quand tout est silence en nous, notre coeur te parle, il prie, et nous nous abandonnons en toi."

    Il m'arrive aussi de prier avec les mots d'Ho'oponopono. Là, il ne s'agit pas d'une tradition chrétienne. Très ancienne prière hawaïenne, Ho'oponopono était pratiquée par les guérisseurs, convaincus que les malades ne pouvaient se remettre sans une guérison intérieure. Les 4 mots de la prière sont: Je suis désolée - S'il te plaît, pardonne-moi - Merci - Je t'aime. Dans le fond, ces quatre mots se retrouvent dans la Bible et dans les langages de toute la Terre. Moi aussi, j'aime bien dire à mon Dieu: Je suis désolée - S'il te plaît, pardonne-moi - Merci - Je t'aime.

    Lorsque je n'ai rien à dire à Dieu, il m'arrive souvent de prendre la plume. Le soir, avant d'aller me coucher, j'ai souvent l'habitude d'écrire dans un petit carnet trois point positifs (ou constructifs) de ma journée : trois raisons pour lesquelles je pourrais remercier Dieu. Au début, j'avais de la difficulté: que c'était difficile de savoir compter jusqu'à trois! Et puis, petit à petit, ma liste s'est allongée. Le chat qui m'a embêtée, un sourire, un café partagé, quelques mots échangés avec une personne inconnue dans la rue, un petit rayon de soleil qui m'a réchauffée: tous ces petits riens finissent par être consignés dans mon carnet. Tant et tant de motifs pour lesquels exprimer sa gratitude !

    Apprendre un texte biblique par coeur. Cela se faisait au temps de mes grands-parents. Peut-être est-ce un peu démodé aujourd'hui. Dommage ! Au cours de mon parcours spirituel, j'ai eu l'occasion de mémoriser trois textes bibliques : le Notre Père, le Psaume 23 en entier et les Béatitudes de l'évangile de Matthieu. Je les utilise souvent quand je n'arrive pas à prier avec mes propres mots. À force de les avoir récités, il arrive souvent qu'ils me reviennent d'eux-mêmes à l'esprit, un peu comme une surprise, sans que je ne l'aie décidé. Des prières impromptues et non planifiées !

    L'intercession. Quand je n'ai pas de belles phrases pour intercéder, c'est-à-dire pour remettre à Dieu tel ou tel ami, telle ou telle situation compliquée, alors je cite simplement les prénoms qui me viennent à l'esprit. Je les enchaîne comme des perles sur un collier. Je pense fortement à chacun des noms que je cite, mais je n'ai pas forcément besoin d'orner le tout de belles phrase élaborées.

    Enfin, quelques mots pour la musique. Quand mes propres mots sont fades, il m'arrive de prier avec des notes, de préférence celle de Jean-Sébastien Bach. Le compositeur avait l'habitude de signer ses oeuvres de ces trois lettres: SDG, Soli Deo Gloria, c'est-à-dire, "À Dieu seul la gloire". Quand je joue Bach, j'ai l'impression de construire une cathédrale. Cela me permet un petit peu de m'élever. Et tant d'autres musiques permettent de prier: chants grégorien, cantiques, chants de louange en tout genre, chants de Taizé, etc.

    Au final, ma boîte à outils est bien remplie: je peux prier d'énormément de manières, même quand l'éloquence n'est pas de la partie. Et vous, quelles sont vos clés ? Quels tournevis utilisez-vous quand vos mots sont trop petits pour prier ?

                                                                                            Stella, 28.11.2020.

jeudi 12 novembre 2020

Limitez les contacts, mais n’oubliez pas de toucher !


            « Pas de contacts », « sans contacts », « limitez les contacts », « appliquez les distance »: avec la pandémie, ces mots sont devenus virulents dans les journaux, newsletters et annonces en tous genres. À chaque fois que je les lis, ils me font l’effet d’un coup de marteau sur la tête, le coup de trop qui enfonce dans la solitude: « pas de contacts », « maintenez les distances ».

            Le covid, comment ça s’attrape ? Je ne sais pas, il me suffit d’entendre ce mot, ainsi que tous ceux qui y font référence, pour que cela me rende malade. Il me suffit d’entendre ces deux syllabes pour que j’ai envie de les déglutir.

            Alors, dans ce contexte si particulier, je me suis prise à réfléchir à ce que signifie le mot « contact ». Du verbe latin « tangere », qui a aussi donné « contagion », il signifie très littéralement : « avec toucher ».

            « Avec toucher ». Dans le domaine artistique, on dirait plutôt « avec doigté », désignant ainsi la dextérité du pianiste ou la sensibilité du cuisinier qui a su ajouter à son plat le tout petit rien qui manquait. « Avec toucher »: c’est ajouter ce tout petit rien dans la vie de l’autre qui lui permette de se sentir aimé. « Avec toucher », cela signifie aussi « avec tact »: c’est le même mot. De mon côté, il s’agit encore d’une qualité à développer.

            Prenons maintenant ces mots dans l’autre sens: « toucher avec ». Il existe d’innombrables manières de savoir toucher: toucher avec la tête, toucher avec le cœur, il dit oui à ceux qu’il aime, il dit non au professeur. Ah zut ! Je viens de citer du Prévert ! Ce n’était pas le bon sujet. Cela dit, il est tout à fait possible de toucher avec une poésie offerte, avec une toute petite pointe de tendresse ou encore le tracé d’une lettre. Il est possible de toucher ses proches avec un sourire, avec un bouquet de fleurs installé sur la table (surprise !), avec un café pendant le petit-déjeuner ou un zeste d’humour.

            Toucher avec des chaussettes ! Eh oui, le coronavirus ne m’a pas encore paralysé les doigts. Si je sais tricoter, alors je peux offrir. Je peux aussi toucher avec un morceau de musique (en direct, pour mes colocataires, ou mis en ligne), je peux touchez mes proches avec de la peinture ou des brownies. Je peux toucher avec de l’amour ou de l’amitié. Même à distance, c’est facile !

            Il reste tant de belles manières de toucher sans contagion. Dans la nature, le soleil apporte chaleur et lumière (eh oui, même en hiver !) sans être tout proche, à nos côtés. Et moi, arriverai-je à être un petit rayon de soleil pour les gens qui ont besoin d’une présence, d’un peu de courage ou de gaieté ?

            Dans l’évangile de Matthieu, nous trouvons ces versets splendides qui disent: « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ». En tant que « chrétienne », « Limiter mes contacts » ne me dispense pas de ce devoir de sel ou de lumière. Cela vaut au moins la peine d’essayer. En ce temps de pandémie, dans cette deuxième vague qui, pour beaucoup, ronge un peu plus le moral que la première, je me permettrais d’apporter une petite variante aux mesures sanitaires: « Limitez les contacts », mais continuez de toucher, « maintenez vos distances » sans oublier de transmettre ces petites étincelles de joie et d’amitié.

                                                                                 Stella, 12.11.2020.


Entrer dans le silence

Autant que possible, j'essaie de me ménager des temps de retraite dans des monastères ou des jours de marche sur le chemin de Compostell...