mercredi 17 mars 2021

Foi et diabète


 Depuis toute petite, je suis diabétique. Le fameux handicap de la digestion du sucre. Incurable, d'après ce que l'on m'a toujours dit. Or, depuis cinq ans déjà, mes glycémies (taux de sucre dans le sang) ont chuté de manière drastique. Du coup, les doses d'insuline que je dois m'injecter tous les jours (l'hormone qui me permet de digérer les sucres) aussi. Vous voulez des chiffres ? Un diabétique de type 1 adulte s'injecte en moyenne 1 unité d'insuline par kilo de son propre poids. Pour moi, je ne m'injecte plus que 0,3 unités par kilo. À défaut d'être dans les normes, on est dans l'énorme. Ou plutôt dans l'énormément petit.

    La raison d'une telle chute de mes glycémies ? Jusqu'à aujourd'hui, je ne la connais pas, mais je formule une hypothèse. En regard de plusieurs expériences, plus je consomme des aliments simples, modestes et non-modifiés (une salade qui ne contient qu'une salade, du riz qui ne contient que du riz, des fruits qui ne contiennent que des fruits, etc.), plus mes glycémies sont basses. En revanche, plus je mange des aliments industriels, trop lourds, trop préparés, plus mes taux de glycémie sont hautes. Il y a ici une corrélation entre les aliments qui sont nocifs à mes glycémies et les aliments qui sont nocifs à autrui, à la biodiversité. En revanche, une alimentation respectueuse des autres êtres humains, de la nature et des animaux produira d'excellents résultats.

     En ce sens, j'aime beaucoup la citation du poète Francis Thomson : "Celui qui cueille une fleur dérange une étoile." Une citation qu'il me semble avoir expérimentée avec mon diabète. Tous les éléments de la terre sont en lien les uns avec les autres. Et lorsque je me fais du bien à moi-même, je fais du bien à mon voisin aussi. Dans la foi chrétienne, on trouve un enseignement du même ordre : "Aime ton prochain comme toi-même." L'injonction met ici deux pôles dans la balance: l'autre et moi. Il n'y a pas de hiérarchie entre l'amour que je dois porter à moi-même et l'amour que je dois porter à l'autre. Les deux sont à égalité. Les deux plateaux de la balance sont parfaitement équilibrés. L'amour de soi est étroitement lié à l'amour de l'autre. Les deux fonctionnent ensemble.


     Je change maintenant de texte biblique. Au premier siècle de notre ère, Paul écrivait: "Et pour que je ne sois pas enflé d'orgueil, à cause de l'excellence de ces révélations, il m'a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter et m'enorgueillir" (2 Corinthiens 12,7). Une écharde dans la chair, un cathéter dans la peau, c'est un peu du pareil au même, non ? Ou du moins, cela se ressemble. En tant que diabétique, ce verset me parle beaucoup. Avoir une écharde dans la peau (le cathéter de ma pompe à insuline), cela revient un peu à avoir un marteau de Damoclès au-dessus de sa tête. À chaque fois que je cède au désir de manger des plats trop lourds et tout préparés, à chaque fois le marteau tombe et porte un coup sur ma santé. Un coup qui retombe sur l'environnement aussi. Tout le monde est frappé. Pour moi, le cathéter, l'écharde, l'"ange de Satan", c'est un peu tout cela en même temps.


    Mais une guérison est-elle seulement possible ? Avec mes glycémies si basses, ai-je seulement le droit d'espérer ? Avec mes doses d'insuline ridicules, avec ma recherche de la sobriété à tout prix, je me suis souvent dit que oui : avec de la persévérance, avec de la patience et des efforts supplémentaires, il me semblait pouvoir le faire. Mais les glycémies descendent et remontent. J'oscille souvent entre l'espoir le plus fou et la résignation. Un jour plutôt oui, un jour plutôt non. Pour une éventuelle guérison, je remets ma situation entre les mains de Dieu. Lui seul sait ce que je vis et ce que je fais tous les jours. Lui seul sait si ma consommation de sucre pourra à nouveau faire feu !

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