lundi 24 mai 2021

L'Art de la fugue

     Une fugue, c'est une pièce musicale composée de plusieurs voix qui se superposent, qui s'entremêlent, qui se répondent les unes aux autres. Et chacune de ces voix possède son propre timbre, sa propre tonalité. C'est un peu comme dans la vie: de nombreuses personnes qui s'expriment, se croisent, se superposent, tout en ayant leur propre identité.

    Or, en tant que pianiste, je suis responsable de donner du poids à chacune des voix, de les faire ressortir, de leur donner de l'importance, de faire entendre chacune d'entre elles sans qu'elles empiètent les unes sur les autres. De même, en tant qu'être humain, je suis responsable de donner de l'importance à chacune des voix autour de moi. Chacun a de l'importance, quelle que soit son histoire, son parcours de vie, ses valeurs, son expérience. Sur cette piste-là, je rejoins tout à fait Montaigne qui, au seizième siècle, pensait ainsi l'éducation d'un jeune homme de bonne famille : "On l'avertira, étant en compagnie, d'avoir les yeux partout [...]. Il sondera la portée d'un chacun: un bouvier, un maçon, un passant; il faut tout mettre en besogne, et emprunter chacun selon sa marchandise" (Montaigne, Essais, Livre I, Chapitre XXVI).

    Donner de l'importance, donner du poids à chaque voix: une notion applicable dans la musique et dans le quotidien. Or, pour donner de l'importance à chacun, il faut aussi apprendre à écouter. Au piano, lorsque je déchiffre une fugue, j'ai pris l'habitude de souligner les voix en différentes couleurs, pour être bien attentive à chacune d'elles lors de leur exécution. Et dans la vie, chaque personne n'a-t-elle pas sa couleur particulière ?


 

    Dans la Bible, nous retrouvons cette nécessité de se donner de l'importance, de se donner du poids les uns aux autres. "Aime ton prochain comme toi-même" (Marc 12, 31) ou encore "aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés" (Jean 13, 14). Dans l'Ancien Testament, l'adjectif "kabed", en hébreu, recoupe tout à la fois cette idée de "poids"et d'"importance", mais aussi de "richesse." Chaque personne n'est-elle pas une richesse devant Dieu, avec tout ce qu'elle a vécu et tout ce qu'elle est ?

    Et maintenant que vous avez compris comment jouer une fugue, let's play ! Puissiez-vous faire ressortir chacune des voix que vous entendrez dans ce qu'elles ont d'unique et de particulier.

lundi 10 mai 2021

Quelques veilleurs sur ma route

  En 2019, j'ai choisi de devenir veilleuse, en rejoignant la  Fraternité Spirituelle des Veilleurs.  Pas seulement parce qu'il s'agit d'un "tiers-ordre protestant" et que j'avais besoin de prier ! Mais aussi et surtout parce que veiller est l'un des sens profonds que je voulais donner à ma vie. 

Au cours de mon existence, j'ai rencontré plein de personnes qui sont des veilleurs/veilleuses sans le savoir et qui m'ont apporté tendresse et joie, chacune à leur manière.

Veilleuse, cette personne qui sème plein de graines avec amour dans son jardin, sans forcément savoir ce qui poussera ensuite.

Veilleuse, cette grand-maman qui reste attentive à ce que les moineaux trouvent toujours de quoi picorer dans les petites maisons de bois et à ce que son vieux chat ne joue pas trop avec les libellules. 

 


Veilleurs, ces deux personnes âgées qui s'aiment encore très fort, comme au premier jour, comme si chaque jour leur relation était à redécouvrir.

Veilleur, cet adolescent qui milite pour l'écologie, pour un monde plus beau et plus respirable, pour toutes les générations à venir.

Veilleurs, ces parents qui racontent une histoire à leur enfant, juste avant le seuil de la nuit. Même s'ils referment la porte doucement, ils restent à l'écoute, ils ne sont pas vraiment partis.

Veilleur cet artiste peintre qui sait trouver, dans le visage de chacun, cette teinte particulière qui fait que chaque personne est unique.

Veilleur ce médecin qui voit dans son patient la personne qu'elle est, pas seulement sa maladie.

Veilleur ce professeur qui décèle les dons de ses élèves et qui les aide à déployer leurs ailes.

Veilleur ce manœuvre qui met tant de minutie dans chacun de ses gestes, malgré la rudesse de son travail qui, jour après jour, se répète.

Veilleuse cette étoile, la dernière qui veille dans le ciel, afin qu'il reste toujours un peu de lumière.

Enfin, veilleuse cette mésange, la première qui chante chaque matin pour dire à quel point la vie vaut la peine d'être vécue.

Pour toutes ces personnes, j'ai choisi de veiller. Et vous, quel(s) veilleur(s) avez-vous déjà croisés ?

 



Entrer dans le silence

Autant que possible, j'essaie de me ménager des temps de retraite dans des monastères ou des jours de marche sur le chemin de Compostell...